` Anne-lise RIAS
#8 Réhabilitées

Femmes & Travail : une galerie de portraits

Le futur du travail des femmes questionne le travail des femmes, tel qu'il est organisé, représenté et pratiqué aujourd'hui, à la lumière de l'anthropocène. Ce projet vise à proposer des hypothèses de changements pour nous permettre, collectivement, d'imaginer de nouveaux récits sur les femmes qui travaillent.
En tant que designer-chercheuse, je contribue à créer les conditions nécessaires à l'émergence de nouveaux récits et représentations du futur du travail des femmes.

Galerie de portraits est une série de 26 textes courts créés à partir de représentations courantes, de données sociologiques et statistiques actuelles recueillies au cours de mes recherches. Ce sont des récits de situations professionnelles de femmes fictives décrivant des attachements et dépendances qui lient ces femmes à leur travail.

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Les réhabilitées

"Elles sont décédées mais elles (nous) travaillent enfin. L’histoire avait apparemment oublié leurs contributions, brillantes d’ailleurs. Jusque récemment les représentations populaires montraient plutôt des femmes étiquetées ménagères de plus ou moins 50 ans. Glissant sous le tapis du récit des grands succès entrepreneuriaux toutes ces femmes qui ont travaillé, qui dans l’industrie, qui dans la publicité ou les sciences. L’entreprise actuelle de mea culpa rafraîchit les représentations. On (re)découvre dans le film Les figures de l’ombre (2016), réalisé d’après le roman éponyme de Margot Lee Shetterly, ces ingénieures, informaticiennes et scientifiques qui ont participé activement à la conquête spatiale américaine après la seconde guerre mondiale et jusque dans les années 1970. Menacées d’une part d’être remplacées par des ordinateurs et d’autre part minées par la misogynie doublée de racisme anti-noires, elles avaient tout simplement... travaillé. Débarrassées d’un peu de leur épaisseur et enduites d’une fiche couche de romance, elles sont donc aujourd’hui réhabilitées. Leurs parcours est élevé en symbole de l’injustice faite aux femmes de la non reconnaissance de leurs compétences et de leur travail. Ce récit rafraîchit ne dit pas si elles étaient des exceptions ou la norme mais veut nous faire penser que leur ascension contribuerait à notre émancipation collective.
Un peu moins pop mais remise au jour par Michelle Perrot, on (re)découvre aussi l’ouvrière Lucie Baud (1870-1913) qui travaillait - sans péter - dans la soie. La liste d’appel ne peut que s’allonger.
A la lumière des réhabilitées, les revendications d’équité de rémunération, d’accès aux conditions d’émancipation, de la valeur du travail humain versus machines, prennent un goût de déjà vu-déjà entendu. Le goût de l'obsolescence ?"

Création et rédaction des textes : Anne-lise Rias.
Projet sélectionné pour l'exposition Point Commun par l'Alliance France Design (octobre 2020).