` Anne-lise RIAS
Réalisations
Forcer le possible

Des limites de l'innovation techno-push : analyse critique

Missionnée par la Direction d'un industriel pour encourager et renforcer l'usage de la fabrication additive par son équipe Innovation pour que celle-ci développe de nouveaux produits, j'ai constaté les limites de l'innovation techno-push.

En tant que Consultante par le design, j'ai apporté des méthodes et outils pour sensibiliser l'équipe à la culture fabrication additive, discuter des impacts que cette intégration peut avoir sur leurs compétences, leurs méthodes et outils de travail, donner des clés pour identifier des cas d'usages pertinents et soutenables de la technologie dans leur portefeuille produits et fait des cas d'exercice. Le livrable attendu était une feuille de route pour l'intégration de la technologie dans cette équipe, avec des préconisations pour favoriser une intégration pertinente et durable.

Lors de l'évaluation de cette prestation, les retours ont été positifs quant à la démarche, aux connaissances et outils apportés. Mais l'équipe a aussi exprimé une opposition majeure. Elle s'est dite "forcée à utiliser la technologie fabrication additive". Elle a revendiqué l'une de ses singularités : elle détient un long savoir-faire dans la sélection de technologies pour répondre au "juste besoin" de leurs projets, en évitant la surperformance, avec une économie de moyens. Paradoxalement, l'équipe est reconnue pour sa capacité à développer des produits innovants. D'après cette équipe, les opportunités amenées par la fabrication additive ne présentent pas d'avantages significatifs par rapport à d'autres technologies. La volonté de la Direction, perçue comme une obligation à utiliser la technologie, n'a pas de sens de leur point de vue. Il y a là un écart important entre la vision stratégique et celle de l'équipe opérationnelle.

Du point de vue de la Direction de ce client industriel, cette "résistance" va à l'encontre des directives données. Du point de vue du fournisseur de la technologie fabrication additive, cette "résistance" est déceptive. Mais dans mon rôle d'encourager une innovation technologique raisonnée, cette réaction me semble être saine et de bon sens. J'ai même été rassurée de constater qu'une équipe Innovation a la possibilité de s'opposer à des directives si celles-ci semblent non souhaitables ou vide de sens.

Cette expérience vécue m'a permis de faire émerger deux constats :
1/il est nécessaire de rediriger les missions attribuées aux départements Innovation des entreprises qui sont actuellement encouragées à "forcer les possibles" grâce à la technologie et à participer à maintenir la croissance de leur entreprise. L'intelligence et le bon sens des salarié·es encore pris·es dans ce type d'organisation peuvent être mobilisés pour cela mais les méthodes et outils pour les appuyer restent à développer
2/Le pouvoir d'influence que j'exerce en tant que consultante par le design pour raisonner les usages de la technologie est limité, minoré par le fait d'être intégrée dans une entreprise industrielle dont le but est justement de "vendre" sa technologie fabrication additive. La dépendance à ce commanditaire exerce un pouvoir fort dont il est nécessaire de se libérer pour accompagner les départements innovation dans leur redirection.

Réalisé en tant que consultante par le design intégrée dans l'entreprise AddUp (entité de Michelin & Fives)
Analyse critique personnelle.